Élèves plurilingues, élèves allophones : s'approprier la langue de scolarisation, gestes professionnels et modalités pédagogiques

Le terme « langue de scolarisation » renvoie en France au moins à la langue française. C’est avec le français que les élèves découvrent de nouveaux savoirs, les apprennent et les manipulent. Certains de ces savoirs sont aussi appropriés dans la (ou les) autres langues que parle l’élève plurilingue, mais pas nécessairement car si le français peut être majoritairement utilisé à l’école, les autres langues sont majoritairement utilisées hors de l’école. Autrement dit, au quotidien, des domaines entiers peuvent être connus dans une langue plutôt que dans une autre et seul le fait de pratiquer ces langues dans des domaines connexes permet de développer ces concepts et rapports au monde de façon non conflictuelle pour les élèves.

Compétences et transferts en langue de scolarisation

Synthèse et analyse: Véronique Miguel Addisu,  adapté de Jim Cummins (2011).

Les recherches sur l’acquisition d’une langue étrangère, en particulier  à l’école, nous rappellent que l’acquisition de la langue s’appuie sur les savoirs et savoir-faire en langue première. C’est un processus dynamique, qui prend du temps, de l’oral vers l’écrit, de la compréhension vers la production :

5 caractéristiques du processus d’apprentissage d’une langue seconde :

  1. La compréhension orale comme première étape pour entrer dans la langue ;
  2. La production orale comme première attente de l’école ;
  3. La compréhension écrite comme pré-requis indispensable aux apprentissages ;
  4. La production écrite comme pré-requis indispensable à la progression et à l’évaluation scolaire ;
  5. Les langues premières sont mobilisées pour entrer dans la langue que l’on apprend.

5 gestes d’apprentissage qui en découlent :

  1. Certains élèves cherchent à écouter avant tout, et parfois ne disent rien pendant longtemps avant d’oser parler ;
  2. Certains élèves osent davantage s’essayer à la parole dans la cour que dans la classe : la parole circule souvent plus librement entre pairs ;
  3. Certains élèves cherchent à lire au plus vite pour pouvoir apprendre plus rapidement ;
  4. Certains élèves, qui aiment écrire mais le font avec difficulté en français, peuvent beaucoup apprendre en le faisant avec plusieurs langues (cf. compétences de transfert ci-dessous) ;
  5. Certains élèves, qui ont une large culture « littéraire » dans d’autres langues que le français, sont heureux de partager avec les autres leur expérience du monde ; d’autres préfèrent se taire sur ces questions. Tous ont besoin d'être reconnus et valorisés dans ce qu'ils sont et savent déjà, mais aussi dans leur volonté d'apprendre.

 
5 compétences de transfert chez les élèves plurilingues :

  1. Transférer des concepts (ex. comprendre le concept de l’addition de la L1 à la L2) ;
  2. Transférer des connaissances linguistiques spécifiques (ex. connaître le sens de « multiplication » en L1) ; les mots transparents (ex. to divide/diviser);
  3. Transférer la conscience phonologique de L1 à L2 (savoir que les mots sont composés de sons distinctifs et percevoir ces sons dans la L1, appliquer ces savoirs à la L2);
  4. Transférer des stratégies métacognitives et métalinguistiques (ex. organiser les savoirs sur sa feuille, catégoriser, identifier les pronoms et leurs antécédents…);
  5. Transférer des stratégies communicatives (ex. utiliser la L2, les gestes, prendre des risques, faire répéter ou reformuler …).

 
5 gestes professionnels qui en découlent :

  1. L’enseignant accorde à l’élève un temps consacré à l’écoute, avant de le solliciter pour une production orale ;
  2. L’enseignant peut oraliser un énoncé écrit pour en faciliter la compréhension, avant de le proposer en lecture autonome à l’élève plurilingue ;
  3. L’enseignant veille à avoir une écoute active des élèves, en les incitant avec bienveillance à prendre régulièrement la parole, en reformulant et les aidant à corriger, à enrichir, à nuancer leur pensée. L’enseignant favorise notamment à cet effet les échanges entre pairs.
  4. L’enseignant favorise la mobilisation des autres langues pour soutenir les apprentissages en français ; pour ce faire il didactise ces ressources et les utilise pour mieux comprendre les erreurs des élèves dans la classe ;
  5. Les savoirs sociolinguistiques des élèves (et donc leur estime de soi) sont renforcés par cette reconnaissance au sein de la classe.
 

Accueillir un enfant nouvellement arrivé dans sa classe : voir onglet dédié

Ecouter, parler pour dire, se dire, apprendre : gestes professionnels pour favoriser la différenciation

  • S’appuyer sur la gestuelle et tout support visuel qui lui semble facilitant (le tableau, les sous-mains, les images…) ;
  • Porter une attention particulière à son discours: débit (ne pas parler trop vite), articulation (segmenter, répéter), rigueur de la langue scolaire (structure des phrases claire), qualité de la graphie au tableau ;
  • Répéter et à reformuler certains énoncés en s’adressant personnellement à l’élève ou à un petit groupe d’élèves ;
  • Associer son discours oral à l’écriture de mots récurrents ou organisateurs du discours : utiliser le tableau, écrire les déterminants, organiser l’espace du tableau, signaler et expliciter tous les repères mis en place ;
  • Faire repérer les différentes phases d’une séance et expliciter les liens entre les notions étudiées;
  • Utiliser la balado-diffusion: une expérience menée par Séverine Brizard (UPE2A et classe ordinaire).

Le tutorat entre pairs, le travail en binôme

  • Un tuteur ne l’est pas définitivement, c’est un élève volontaire, qui a explicitement cette mission d’accompagnement, et qui peut en parler avec l’enseignant.
  • Un élève tuteur ne remplace pas l’enseignant mais il échange et accompagne son camarade sur des tâches qu’il peut lui-même identifier.
  • Le tutorat peut varier en fonction des compétences : on peut tutorer pour une tâche et être tutoré pour une autre tâche.
  • Proposition de fiche tuteur (ac. de Strasbourg)
  • Binôme : Deux élèves ont des compétences complémentaires, qu’il faut mutualiser pour réaliser une tâche, l’enseignant accompagne la réalisation de la tâche, il valorise et étaye les stratégies de réalisation des tâches, il apporte éventuellement les éléments nécessaires pour poursuivre (vocabulaire, traduction, gestes, documents etc.)
  • Repères pédagogiques, charte avec les élèves (Viviane Lebreton)le_tutorat_eana_pdf.pdf

Ressources

  • Ouvrage :  Manières d'apprendre :pour des stratégies d'apprentissage différenciées Jean-Michel Robert, Hachette français langue étrangère, 2009, Réflexions sur la prise en compte dans l'enseignement des  langues étrangères ou secondes, du degré de parenté entre la langue maternelle de l'élève et la langue apprise, afin d'adapter les méthodes pédagogiques à celles du pays dont l'élève est originaire.